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BÉATRICE ANDRIEUX

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INTERVIEW BÉATRICE ANDRIEU WISE WOMEN – 3 OCTOBRE 2022

Très envie de commencer à raconter ma rencontre avec Béatrice Andrieux par son actualité qui dit déjà tant sur cette femme inspirante.

Je viens de faire le commissariat de l’exposition Regards de Femmes à la Fondation A* à Bruxelles. C’est une belle rencontre avec Astrid Ullens de Schootten, collectionneuse de photographie, qui a ouvert sa fondation il y a dix ans, à l'âge de 70 ans. Elle a décidé de la créer dans un quartier populaire de Bruxelles pour y développer des actions pédagogiques. Elle insiste sur l’idée de transmission.

Elle m'a demandé d'intervenir autour des femmes artistes de sa collection, j'avais un terrain de jeu magnifique qui m’a menée jusqu’à une belle sélection de 19 femmes dont je suis très fière.

C’est vraiment une histoire commune entre une collectionneuse, une commissaire d'exposition autour de la présence des femmes, autour de l'école américaine, de l'école allemande. Beaucoup de photographes sud-américaines sont présentes aussi.

Le projet « Regards de Femmes » est le reflet d'une femme engagée sur des femmes engagées, comme Judith Joy Ross sur le militantisme aux Etats-Unis ou bien Adriana Lestido qui a fait un reportage dans les prisons cubaines, sans qu’il ne s’inscrive qu’autour de la photographie documentaire. Il y a aussi une dimension esthétique. Dans tous les cas, c'est ce que j'ai essayé de démontrer.

Avant cela, quel a été ton parcours ?

J’ai commencé à travailler en galerie à la Galerie Zabriskie puis chez Agnès B à la Galerie du Jour - c’est là que j’ai rencontré Marie Schneier (WW). Par la suite, j'ai eu envie de réfléchir et d'être seule pour organiser des expositions, avec toutes les difficultés que ça engendre.

Je venais de terminer le livre « Contact » sur Lucien Hervé, le photographe officiel de Le Corbusier quand on m'a demandé de travailler pour Paris Photo au moment du déménagement du Carrousel pour le Grand Palais. On a beaucoup développé, lancé Los Angeles donc avec deux foires à gérer dans l’année. Cela a été quatre années très intenses.

J’ai ensuite assuré la direction artistique pour un festival, pour une foire de photos en Suisse et des projets en France.

Ta spécialisation dans la photographie a commencé à la Galerie du Jour ?

Non, elle a commencé dans les années 90, chez Zabriskie qui était une galerie d'art moderne mais qui exposait les grands photographes américains et c’est surtout à cette période que j’ai découvert Claude Cahun. La galerie qui avait acheté une partie du fonds photographique, resté à Jersey, a organisé sa première exposition à Paris.

Je suis obligée de couper une très longue digression sur Claude Cahun pour laquelle Béatrice et moi avons une passion commune. On a parlé de Suzanne Malherbe, d’André Breton, de Frida Kahlo, de Picasso en passant par Simone Kahn - clin d’œil à Léa Chauvel Levy (WW).

Je travaillais à la galerie Zabriskie en parallèle de mes études. J'ai fait mon DEA sur le land art et c’est là en fait que j'ai découvert la photographie comme traces, comme documents photographiques. Et ça m'est resté. Mais je ne suis pas une spécialiste de la photo documentaire. En fait, ce qui m'intéresse, c'est de travailler avec des artistes qui se réapproprient le médium pour rendre unique l’œuvre. Cela m'intéresse dans la photographie et dans l'art d'une manière générale. Je travaille aussi bien avec des hommes et des femmes.

Ta prochaine exposition ?

Ce sera en 2023 à la Maison de l’Amérique Latine pour la première exposition à Paris de Paz Errazuriz, une grande figure de la photographie chilienne. Elle a cofondé l'association des femmes indépendantes photographes du Chili.

Elle a réalisé la plus grande partie de son travail sous la dictature de Pinochet. Paz Errazuriz s'est beaucoup intéressée aux hôpitaux psychiatriques où elle suivait des personnes à la recherche de proches disparus vérifiant s’ils n’avaient pas été internés. Puis, elle s'est beaucoup intéressée aux travestis. Je suis vraiment fascinée par son travail.

Quelle est ton histoire avec Wise Women ?

J’ai découvert les Wise Women au moment de leur création via Anne Racine et Marie Maillard. Ça faisait longtemps que je voulais intégrer l'association. Comme je fais déjà partie de l’AICA, l'Association Internationale des Critiques d'Art, de l'association CEA, l'Association des Commissaires d'Exposition, et des amis de la MEP, j’étais très prise.

Puis Marie m’a recontactée et j’ai eu envie de rejoindre les Wise Women. Avec mon exposition Regards de Femmes, cela semblait être le bon moment.

Aussi parce qu’après le confinement, on pouvait à nouveau se rassembler. J'ai des parents qui ont été très actifs dans le milieu associatif, j'ai vu ce que c'était que des réunions, des regroupements. Et je crois que lorsqu’on adhère à une association, c’est pour se retrouver ensemble, pour fédérer, pour construire ensemble un événement. Et c'est dans ce cadre-là que cela m'intéressait de rejoindre les Wise Women. Et vraiment aussi pour les sujets fondamentaux autour de la femme, on le voit avec tout ce qui a pu se passer aux États-Unis, ce qui se passe en Iran. Il ne faut jamais baisser la garde.

La dimension féminine / féministe du réseau est importante pour toi ?

Oui, absolument. La dimension féministe est fondamentale et la dimension pluriculturelle, Wise Women ne rassemble pas seulement des personnes dans l’art, mais aussi dans la mode, dans l’artisanat, la musique, etc. C'est important aussi de diversifier son réseau et de rencontrer toujours d'autres personnes. C'est ça qui me stimule.

Tu enseignes déjà, c’est ton envie de transmettre qui t’a poussée à participer au jury Art de l’Appel à projets de Wise Women ?

Oui, tout à fait c'est important de transmettre. J'ai cette double casquette de commissaire d'exposition et de professeur depuis 2016. J'enseigne aux Ateliers des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Cette année, j'ai donné des cours à Sciences Po Lille autour de l'histoire de la photographie et du marché de la photographie. Je vais commencer au deuxième semestre des cours à l’IESA. La notion de pédagogie est très importante pour moi, elle me porte aussi dans les expositions que j’organise.

C’est toujours stimulant de faire partie d'un jury, l’occasion d'être nourrie par des projets divers et variés. Encore plus avec ce jury qui porte sur l'édition, un domaine encore un peu nouveau pour moi donc je suis très curieuse de voir quels vont être les projets que nous allons recevoir.

C'est aussi une manière de découvrir ce que font des jeunes femmes. Je crois que c'est assez fondamental de comprendre leurs enjeux, ce qui les intéresse, ce qui les motive dans notre société actuelle. Faire partie d'un jury offre une vision plus exhaustive de la création.

Tu as déjà été jurée dans différents comités, comment appréhendes-tu l’exercice ?

D’abord il y a la surprise, la joie de voir quelque chose de nouveau. J'attends de ces sujets une forme de coup de poing, quelque chose qui me réveille, avec de l’engagement.

Dans un premier temps, je les classerai par effet de surprise puis en fonction de la maîtrise de l’écriture. Je suis très curieuse de découvrir les projets.

Quelles sont les trois femmes que tu aimerais ou aurais aimé rencontrer ?

Claude Cahun, j’aurais aimé échanger avec elle autour de sa création. Je suis très impressionnée par tout ce qu'elle a pu réaliser.

Paz Errazuriz, à bientôt 80 ans, j’ai hâte de la rencontrer en octobre à Santiago.

Cindy Sherman sur qui j’ai déjà écrit sans jamais la rencontrer…frustrant !

Des coups de cœur artistiques récents que tu as envie de partager avec Wise Women ?

L’exposition sur Frida Kahlo au Palais Galliera, Alice Neel à Beaubourg et Suzy Lake à la galerie Mfc Michèle Didier à Paris.

* Regards de Femmes jusqu’au 18 Décembre à la Fondation A, 304 Avenue van Volxem, 1190 Bruxelles.

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