MARIE SCHNEIER
Rendez-vous au café du coin dans le Marais. Marie arrive avec son sourire et son chien. On commande un thé, le serveur apporte une gamelle d’eau pour le chien. C’est parti. Et ça commence fort (vous verrez, avec Marie rien n’est jamais tiède).
Qui es-tu Marie ?
C’est difficile de répondre à cette question. On mélange perso, pro, asso ? Je suis une curieuse hyperactive qui a commencé sa vie entre deux continents, la France et l’Amérique du Sud, plus précisément l’Argentine. Sinon, je suis une communicante dans la mode. Il y a tellement à dire de la mode qui fusionne tous les domaines artistiques qui m’intéressent…
Tu as toujours voulu travailler dans la mode ?
Pas vraiment, mais je me suis aperçue que oui alors que j’étais partie pour faire de la neuropsychologie. J’ai tout arrêté quand on m’a refusé de faire mon mémoire sur l’impact de la virtualité sur le cerveau. C’était en 1998.
Tout a commencé par un refus ?
En fait Oui. On me disait que je ferais mieux de me trouver un mari plutôt que de passer mon temps dans les laboratoires de Paris V.
Quel a été l’impact de ce refus ?
J’ai été tellement déçue par ce manque de curiosité que j’ai arrêté la psycho tout net et j’ai lancé des appels au job. Je suis d’un naturel assez confiant, je parle plusieurs langues, je suis volontaire, besogneuse et je me nourris de tout, je n’étais pas inquiète.
Résultat de la bouteille à la mer ?
J’ai rejoint pour un stage le bureau de presse Quartier Général, le gros bureau de presse des années 90. Il rassemblait une bonne partie des créateurs émergents de ces années-là. LA scène mode. J’ai fait un stage, on était 15 parce qu’il y avait 8 défilés par saison. Au bout d’un mois Sylvie Vaulet, qui m’avait fait faire de tout, m’a proposé un CDI.
Tu avais raison d’avoir confiance dans la vie.
J’avais toujours aimé la création, mais je ne savais pas que je pouvais en faire un métier. Ma famille appréciait l’art et la mode mais à collectionner, à acheter et me voyait plutôt avocate. La mode, quel bonheur, les gens qui y travaillaient à cette époque avaient une culture incroyable et surtout des références dans tous les domaines.
Quelqu’un en particulier ?
Non personne précisément, tout le monde en général. Mais l’énergie de ce monde me correspondait. Je faisais des choses très concrètes et je m’entendais très bien avec les créateurs dont je m’occupais.
Comme ?
Christophe Lemaire, Koskas Murkudis. Il y avait une esthétique, de la nouveauté de l’avant-garde, les choses étaient bien moins formatées. Les défilés se faisaient n’importe où dans Paris. C’était un laboratoire incroyable.
Tu as fait ça longtemps ?
Deux ans. Puis, je suis allée chez Hermès, à la mode femme, comme attachée de presse. Je travaillais avec Michèle Gozland - qui était l’épouse de Martin Barré - et proche de toutes ces femmes brillantes qui ont fait la mode. Michèle arrivait le matin au bureau et faisait sa pige culture avec une telle soif. Elle aimait vraiment cela, c’était inspirant. J’adore ce côté bourgeois décalé et fantasque chez Hermès
Qui dessinait les collections à l’époque ?
Martin Margiela.
On ne peut rêver mieux !
J’étais trop jeune pour comprendre l’intelligence derrière tout ça, mais c’était une expérience folle. Les vêtements se pliaient quasiment seuls tellement la coupe était précise, une merveille. J’ai aussi compris le formalisme nécessaire, le jeu de l’entreprise. Pourtant j’ai eu envie de plus de « dynamisme », d’être un peu plus chahutée, chez l’annonceur c’est toujours plus facile…
Tu as quitté Martin !
Oui ! Pour Agnès b.- qui elle refusait la pub-. Au départ j’avais la charge du bureau de presse de Paris et coordonnais les filiales puis rapidement je suis devenue son attachée de presse à elle.
Quand on t’écoute tout a l’air simple.
Je n’ai pas peur. Mon moteur est dans le plaisir que peuvent donner les expériences. Mon éducation y est pour beaucoup. Ma famille soutien les choix, même si elle ne les valide pas, c’est généreux et cela apporte beaucoup de force. Je suis assez réaliste, j’ai toujours sonné à la porte de personnes qui me correspondaient. Je suis très entière et incapable de jouer un rôle. Tout s’est complété. Agnès b. c’est une marque « intermédiaire », pas une Grande maison, mais attention à l’époque c’était la maison indépendante française la plus importante au monde après Chanel.
Avec Agnès comment cela s’est passé ?
J’ai travaillé avec elle pendant 10 ans. Elle est gourmande de tout, on le devient aussi. Et de la dynamique, il y en a.
C’est dire si tu as apprécié.
Il y avait les vêtements, mais aussi des artistes, la galerie, des montages d’exposition partout dans le monde, le cinéma, la musique. C’est là où j’ai développé mes compétences en positionnement et stratégie de marque. Tout étant tellement riche.
On a oublié qu’Agnès a été la première à faire tout cela
C’était il y a 25 ans ! La mode est devenue une industrie ultra puissante. On commençait à peine à parler de l’ADN des marques.
Tu as toujours travaillé pour des marques engagées. Après Agnès b ?
Quand j’ai quitté Agnès b (j’ai eu un enfant) J’ai été approchée pour participer au lancement du Silencio (le club de membre designé par David Lynch) avec le montage du fichier clients. Après ça j’ai fini par y faire de la programmation culturelle et en parallèle j’ai monté une boîte. Je travaillais avec des clients (designers, architectes, créateurs.) qui cherchaient des stratégies précises, du sur-mesure.
Tu as fait cela longtemps ?
J’ai fermé ma boîte (Une communication singulière NDLR) quand j’ai été appelée par le Fédération de la Couture et de la Mode. Au départ j’ai travaillé sur le premier Forum de la Mode commandé par le Ministère de la culture, puis sur de l’identité de marque. La fédé s’appelait au départ « fédération française de la couture du prêt à porter des couturiers et des créateurs de mode ». Ce nom racontait l’époque et l’histoire, il fallait mettre à jour tout cela. Elle a finalement été rebaptisée. On m’a proposé ensuite d’y faire la comm et je suis restée 5 ans.
Cela m’a révélé le côté politique et le côté corporate, institutionnel. Ce qui me plaît, c’est cette histoire qui se déroule. On légifère sur la mode en France depuis le 18e siècle ! Aujourd’hui c’est un tel moteur.
Tu as un parcours impressionnant où tu as pu travailler sur toutes les chaines de valeur.
La mode a tellement de moyen qu’elle se nourrit de tout et se transforme en permanence. Il y a plein de nouveaux métiers, tout le temps, dans les métiers techniques, dans le digital, l’IA…
C’est un laboratoire incroyable !
Qui se renouvelle sans cesse. On raconte tout sur la mode, on la critique tout le temps, mais au final tout le monde a envie d’être à la mode !
Et des maisons fondées par des femmes !
J’aimerais bien aborder ce sujet chez Wise women : la place des femmes dans la mode. Il y a beaucoup de choses faites par des hommes pour les femmes dans la mode. C’est très beau mais aucune femme ne les porterait…
Tu n’es plus à la Fédé. Qu’est ce qui t’intéresse maintenant ?
En ce moment, je travaille en freelance. Entre autres à la FHCM (Fédération de la Haute Couture et de la Mode) et à l’IFM. Dans l’idéal j’aimerais intégrer l’équipe communication d’un groupe et surtout contribuer à donner un sens.
Et Wise dans tout cela ?
Je regardais le groupe depuis un certain temps. Jeune professionnelle je regrettais de ne pas avoir de mentor avec qui échanger. Je suis heureuse de pouvoir apporter cela maintenant. La deuxième raison c’est que je viens d’une famille où on a toujours dit aux femmes qu’elles pouvaient faire tout ce qu’elles voulaient. Ma grand-mère a été la première femme avocate en Argentine. On ne m’a jamais mis de barrière. Cela m’intéresse d’être ce type de porte-voix.
Tu dis qu’il faut oser ?
Il y a des choses que tu ne sais pas quand tu commences dans la vie professionnelle. Tu es confrontée à des comportements, à des mots. Avec le temps tu perçois les biais alors, il faut être un peu entêté et se rappeler en permanence tout ce que l’on sait faire, cela permet de prendre des risques.
La com est aussi un métier particulier.
Oui. Tout le monde se dit qu’il peut faire de la comm. Tout le monde a son avis dessus. Mais la comm c’est un métier. Une coach me rappelait qu’il n’y a pas si longtemps, les communicantes des entreprises étaient souvent les maitresses des dirigeants que l’on devait placer quelque part. Aujourd’hui les communicantes font partie des comité exécutifs, des boards de dirigeants.
Tu penses aussi aux Wise quand tu parles de métier ?
L’idée c’est d’échanger. De faire du mentoring. Il y a des jeunes filles qui ont besoin qu’on partage des expériences parce qu’elles n’ont pas des modèles. D’autres n’ont pas forcément la capacité d’échanger, le réseau pour. Dans les appels à projets, ou les Rencontres métiers, on voit que les filles sont en demande de bienveillance envers leurs choix. Si on peut les aider, c’est bien. On leur donne une énergie positive. Échanger avec les plus jeunes, permet de rester à niveau, à jour. C’est très enrichissant mutuellement le mentoring.
Une confrontation de points de vue, d’expériences de façon naturelle ?
C’est ce que j’aime chez Wise. On vient avec ce qu’on est, on ne joue pas un rôle.
Le chien a bu toute sa gamelle d’eau. Les sujets eux sont loin d’être épuisés, mais vous savez où trouver Marie.