PENELOPE BLANCKAERT
Jury Appel à Projet 2022
« Ce qui m’intéresse dans la mode, c’est la mode portable »
Du catalogue des 3 Suisses aux catalogues de ventes aux enchères, Pénélope Blanckaert ne peut être cataloguée. Experte en mode vintage et contemporaine, elle organise des ventes aux enchères publiques en collaboration avec des commissaires priseurs.
C’est la veille de l’exposition publique de sa nouvelle vente « Margiela, l’ange d’une angevine ». Nous nous retrouvons donc dans les salons de la maison Millon, au milieu des portants qui portent fièrement plus de 350 pièces issues de la collection privée d’une mordue de Margiela. Pénélope, à son habitude, virevolte dans une jupe sublime, lunettes sur le nez, chignon qui danse et baskets qui crapahutent. Nous nous posons dans un canapé.
Tu as l’air comme un poisson dans l’eau au milieu de toutes ces pièces. Raconte-moi depuis quand tu baignes dans la mode.
Depuis que je suis toute petite. Je ne lisais pas de livres, ce qui exaspérait ma mère, mais je cachais le catalogue Les 3 suisses sous mon lit et je me faisais ma garde robe idéale pour quand je serais grande.
Après cela s’est arrangé ?
Pas du tout. En 3e je me faisais des looks improbables, en seconde j’avais des boots Harley Davidson…. En fait on passe par des phases intéressantes de mauvais goût, plus ou moins, mais s’habiller est important. Je m’exprime par les vêtements. Quand je suis habillée, je me sens en phase. Et donc en confiance. C’est une question quotidienne, dans la vie de tous les jours.
Aujourd’hui ta problématique avec les ventes est différente ?
J’ai commencé les ventes de vintage il y a 15 ans, et à l’époque le vintage en tant que tel n’existait pas. En tout cas pas l’aspect écologique.
Le vintage n’était pas à la mode ?
Non, à Drouot au début, il y avait encore les ventes en salle, la gouaille, un certain style. Le digital à changé tout cela, pour du bien aussi. Les vêtements sont mis en valeur. Avec internet on a photographié les vêtements. Aujourd’hui je veux montrer une pièce avec une proposition stylistique. Par exemple aujourd’hui je mixe des pièces de la vente, je mixe les époques du créateur, j’essaie d’humaniser le mannequin. La robe est incarnée.
Tu as l’impression que cela aide à vendre ?
Cela aide au départ les jeunes femmes qui ne savent pas comment manipuler le vintage. Pour les accessoires c’est facile mais on ne peut pas s’habiller en total look années 60 par exempel et ce qui est intéressant c’est de faire dialoguer les époques.
Mais peu de gens arrivent à faire cela…
Moi j’ai besoin que la mode soit portable. Pour la mode historique c’est complètement différent. Les ventes peuvent s’envoler parce que les maisons et les musées sont intéressés. Mais la seconde main, pas forcément ancienne, n’intéresse pas forcément en vente aux enchères. La presse ne s’y intéresse guère, et le grand public ne sait pas trop comment cela marche.
D’où ton exigence artistique à vouloir proposer des silhouettes et humaniser les pièces.
Tout à fait. C’est la mode portable qui m’intéresse. Pour des filles normales. La recherche artistique entre la création et le style.